La structure de la distribution de degré en longue queue des réseaux complexes du monde réel a d'importantes conséquences sur leur résistance. Par exemple, puisque ces réseaux sont surtout organisés autour de hubs, ils sont vulnérables contre des attaques ciblées sur ceux-ci. Par exemple, sur le web, quand de grands sites très connectés sont ciblés par des pirates informatiques par des attaques de DDOS. Si ma page personne passe hors service, cela ne dérange personne, parce que peu de liens y renvoient. Par contre, si Yahoo est mis hors service, à cause de tous les liens qui s'y retrouvent, cela peut provoquer plus de tumulte. C'est vrai pour tous les réseaux qui présentent ce type de structure en hub. Nous avons parlé de cela pour les réseaux aériens, où le mauvais temps sur une ville hub peut affecter tout le système par percolation. De la même manière, dans les réseaux biologiques, l'extinction d'une espèce hub, qu'elle soit de prédateur ou de proie, dans une chaîne alimentaire, peut avoir des implications énormes pour tout l'alimentation de tout le réseau. C'est la même chose pour d'autres types de réseaux biologiques. Il se peut qu'une approche en réseaux, dans les sciences biologiques, va finir par avoir de plus en plus d'importance pour notre compréhension de la vie, que le séquençage du génome humain. Même si ces réseaux sont vulnérables, ils sont aussi robustes contre des attaques aléatoires. Si un unique nœud passe hors service, pour quelque raison que ce soit, et puisque la plupart a un faible degré, cela n'a pas de gros effet sur le réseau. Sur internet, par exemple, des serveurs tombent en panne sans arrêt, ou sont déconnectés pour une certaine période, mais comme il y a une structure en longue queue, cela n'a généralement pas beaucoup d'effet. À moins qu'un nœud puisse faire en sorte que d'autres tombent en panne. Cela peut résulter sur quelque chose appelé défaillance ou panne en cascade. Un exemple: le réseau électrique. Voici une image satellite de la région du nord-est des États Unis et du Canada, avant et après un gros blackout en août 2003. Il semble qu'une centrale en Ohio ait été surchargée, à cause de lignes détruites, elle a transféré sa charge vers une autre centrale, qui a elle-même été surchargée, et s'est déconnectée, et ainsi de suite, dans une sorte d'effet domino. Il y a eu une défaillance en cascade, qui a déconnecté une bonne partie du réseau électrique du nord-est des États-Unis. Vous pouvez voir, avant le blackout, beaucoup de lumières, et ici, beaucoup moins. Ici, le jour du blackout. C'est un exemple classique d'effet en cascade. Cela peut aussi toucher les systèmes économiques, comme les banques. Vous voyez ici, entre les années 2007 et 2010, une sorte d'effet domino de faillites bancaires, la faillite de l'une entraîne celle d'une autre, au travers du réseau bancaire, s'il est fortement interconnecté, ce qui permet l'apparition d'une défaillance en cascade. On peut voir cette cascade de faillites bancaires. On trouve le même modèle de défaillance en cascade dans toute une série de systèmes, que ce soit le corps, les écosystèmes, les réseaux informatiques et de communication, les guerres, et ainsi de suite. Maintenant, je voudrais parler un peu des implications de la longue queue en termes de risque. On modélise traditionnellement le risque en suivant une distribution normale en cloche. Voici différentes formes de distributions normales, certaines ont une crête élevée, d'autres moins, ou plus large, mais toutes ont cette même caractéristique: "des événements dans la queue sont peu probables." Pourtant, si on observe une distribution en longue queue, comme celle-ci, on peut voir que les événements situés dans la queue, sont plus probables que dans une distribution normale. Parfois, beaucoup plus. Quand on pense au risque, par exemple, dans un marché financier, dans un marché immobilier, ou dans un système économique, ou même dans les tremblements de terre, si le modèle sous-jacent est d'une distribution normale, on va supposer que les risques en dehors de la courbe ont une très basse probabilité. À l'inverse, si votre modèle présente une longue queue, ce type de risque peut préoccuper, parce qu'il est plus probable. Certains auteurs ont nommé cette situation "plus normale que la normale". Parce qu'elle est tellement répandue dans les systèmes complexes, dans toute une série de domaines. C'est la pensée de Paul Krugman, cité dans le New York Times en 2009. Paul Krugman est un économiste, récompensé par le Prix Nobel. Il a dit: "Peu d'économistes ont vu arriver la crise actuelle, mais de tous les problèmes rencontrés dans le domaine, cette défaillance prévisible est le moindre. Plus importante, a été l'aveuglement de la profession face à la simple possibilité d'une défaillance catastrophique dans une économie de marché." Il explique bien ce que les gens pensent d'une distribution en longue queue, de cette distribution du risque. Quelle probabilité se trouve ici en bas? Si vous pensez à une loi de puissance, elle est bien plus élevée que si vous pensez à une distribution normale. Et ce que Krugman dit, c'est que les économistes étaient plus concentrés sur des modèles basés sur des distribution gaussiennes, alors qu'ils auraient dû adopter ce type de distributions en longues queues. Vous avez tous déjà lu la phrase "Trop grand pour s'écrouler?" Surtout en ce qui concerne les banques, ou d'autres institutions financières. Une idée alternative, présentée dans une éditorial de Duncan Watts, consiste à se préoccuper de ce qui est trop gros pour s'écrouler, nous devrions nous inquiéter de ces institutions qui sont trop complexes pour exister. Car la complexité tend à produire ce type de loi de puissance, de distribution en longue queue, plutôt que des distributions normales. Dans cet article, Watts parle de la manière avec laquelle le réseau électrique, les systèmes économiques, les banques, et ainsi de suite, peuvent devenir tellement complexes qu'une défaillance catastrophique devient parfois inévitable, à cause de la distribution en longue queue. Terminons avec une autre citation de Duncan Watts. Jusqu'à présent, dans ce cours, nous nous sommes concentrés sur la structure des réseaux, nous avons vu les structures en petit monde, d'échelle libre et en longue queue, et d'autres. Nous n'avons pas vraiment parlé de dynamique dans les réseaux. Duncan dit: "À côté des mystères de la dynamique des réseaux - que ce soit une épidémie, un panne en cascade, ou le déclenchement d'une révolution - les problèmes de réseaux que nous avons rencontrés jusqu'à présent ne sont pas plus que des galets sur une plage." Duncan a dit cela il y a dix ans. Et au cours de la dernière décennie, énormément de travail a été réalisé dans l'étude de la dynamique des réseaux. Comment l'information se répand-elle? Comment les épidémies se déclenchent-elles? Comment les pannes en cascades se produisent? Nous n'allons pas aborder ces sujets dans ce cours, mais, espérons-le, dans un prochain. Et j'aimerais aussi dire que sur la page de matériel du cours, il y a de nombreuses références qui rapportent ce qui s'est passé au cours de ces dix dernières années, dans le domaine de la science des réseaux, surtout en termes de dynamique. Cela vous intéressera.